« Ne sachant pas quelles règles s’appliqueront dans une semaine, dans un mois ou dans un an, les sociétés ont tendance à faire une pause », explique Darrell Spence, économiste chez Capital Group. « Et même si au bout du compte, certains droits de douane seront réduits, voire annulés, cette pause aura un impact et augmente clairement le risque de récession. »
D’une certaine manière, l’incertitude est devenue un indicateur économique à part entière, au même titre que l’emploi, la consommation des ménages ou l’investissement des entreprises, ajoute Darrell Spence. « En ce moment, les prévisions reposent pour l’essentiel sur les orientations des politiques futures. Or, le fait que ces dernières changent sans arrêt complique grandement le travail de prévision de la conjoncture. »
Le grand retour de la volatilité des marchés
Les marchés financiers sont redevenus très volatils au premier semestre 2025. D’abord, l’annonce, par les États-Unis, d’une augmentation généralisée des droits de douane, y compris à l’encontre du Canada, du Mexique et de la Chine, a provoqué une onde de choc sur les marchés actions et obligations. Puis, quand l’administration américaine a annoncé leur suspension ou leur réduction, on a assisté à un rebond significatif.
Fin mai, les investisseurs ayant été rassurés par la perspective de nouveaux accords commerciaux, les actions américaines (représentées par l’indice S&P 500) avaient effacé la majeure partie de leurs pertes du mois.
Pour Jody Jonsson, gérante de portefeuille actions chez Capital Group, le niveau d’incertitude maximale a été atteint en avril quand, au cours d’une journée qu’il a baptisée le « jour de la libération », le président Donald Trump a annoncé une vague de droits de douane sans précédent. « Mais nous avons depuis observé des évolutions encourageantes. Et si cette incertitude venait à se réduire davantage, il est possible que les marchés se stabilisent au second semestre. »
Quatre scénarios pour un réalignement global
Jody Jonsson fait remarquer qu’en adoptant une vision d’ensemble, on peut observer que le monde subit des changements inédits depuis plusieurs dizaines d’années. Ce réalignement politique, économique, mais aussi militaire – autrement dit, « global » – remet en cause le système intégré en place, et pourrait continuer à le faire jusqu’à ce qu’un nouveau système émerge.
« Nous sommes en pleine restructuration de l’ordre géopolitique mondial tel que nous l’avons connu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale », explique Jody Jonsson. « Et il est possible que la nouvelle configuration soit très différente du système mondial intégré sur lequel nos économies ont reposé ces dernières décennies. »
L’équipe Night Watch de Capital Group (composée d’économistes, d’analystes politiques et de gérants de portefeuille) s’appuie sur une analyse approfondie de scénarios pour tenter de cerner ces changements. Plutôt que de se livrer à des prévisions, elle identifie une série de scénarios potentiels, puis elle les transpose dans le contexte de l’investissement.
Dans sa première analyse, l’équipe a identifié quatre grands scénarios susceptibles de découler du nouvel équilibre mondial qui verra le jour ces prochaines années. Par exemple, la présence de tensions commerciales généralisées et une réorganisation des alliances politiques pourraient freiner la croissance mondiale, relancer l’inflation et augmenter le risque de récession. À l’inverse, les marchés financiers pourraient repartir à la hausse en cas d’accords rapides sur les droits de douane.