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Volatilité boursière
Ce que la faillite de SVB signifie pour les investisseurs
Pramod Atluri
Gérant de portefeuille obligataire
Jared Franz
Économiste
Will Robbins
Gérant de portefeuille obligataire

Pendant plus d’un an, les investisseurs se sont demandé ce qui pourrait ébranler la détermination sans faille de la Réserve fédérale américaine (Fed) à relever ses taux d’intérêt. La réponse semble aujourd’hui toute trouvée : la déroute de SVB Financial, maison mère de Silicon Valley Bank.


La faillite de la 16e banque américaine a radicalement transformé les projections de taux d’intérêt à moyen terme, puisque les marchés essaient de déterminer comment la Fed et d’autres banques centrales réagiront aux turbulences qui secouent le secteur bancaire. La crainte de contagion a aussi pénalisé les banques européennes, et obligé les autorités à renflouer certains établissements financiers fragilisés.


Ainsi, le géant bancaire suisse UBS a accepté de racheter son rival de longue date Credit Suisse pour plus de 3 milliards USD, sur base d’un accord encouragé par les autorités financières locales pour aider à rétablir la confiance dans le système bancaire mondial.


Vu la tournure récente des événements, la Fed – qui, récemment encore, restait fermement engagée à maintenir son biais haussier – est en train de revoir sa copie et pourrait même entamer un virage plus accommodant avant la fin de l’année.


Alors que le taux directeur américain a été relevé de 25 points de base mercredi 22 mars, les gouverneurs n’ont pas évoqué cette fois-ci la nécessité de « poursuivre » les hausses – contrairement à ce qu’ils avaient fait dans les précédents communiqués de la Fed. Par ailleurs, l’effondrement des taux obligataires depuis l’annonce de la débâcle de SVB reflète les anticipations d’abaissement des taux d’intérêt américains dans une perspective de ralentissement de la croissance et de l’inflation.


Comme l’explique Pramod Atluri, gérant de portefeuille chez Capital Group : « Les perturbations auxquelles nous assistons sur les places financières signalent le début d’une nouvelle phase difficile pour la Fed. Nous savions que ce cycle de resserrement monétaire, l’un des plus rapides de l’histoire, ne serait pas sans conséquence. Il a mis en lumière certaines vulnérabilités du système bancaire, de sorte que la fin de la dynamique haussière des taux semble aujourd’hui imminente. »


La faillite de SVB a sensiblement modifié les anticipations de taux d’intérêt

Sources : Capital Group, Bloomberg Index Services Ltd., Refinitiv Datastream, Réserve fédérale américaine. Le taux cible des Fed Funds correspond au haut de la fourchette cible du taux au jour le jour du Federal Open Markets Committee (FOMC) du marché monétaire américain. Taux intrajournalier au 15 mars 2023.

Un risque de récession qui monte


La survenue d’une crise bancaire assombrit davantage encore les perspectives pour les (nombreux) investisseurs qui misaient déjà sur une récession cette année, estime Jared Franz, économiste chez Capital Group.


La forte révision à la hausse des prévisions de récession observée depuis la débâcle de SVB explique en partie le brusque recul des taux obligataires, lequel se traduit par une inversion de la courbe des taux – une situation dans laquelle le taux des emprunts d’État à court terme devient supérieur à celui des emprunts d’État à long terme.


« Or, l’inversion de la courbe des taux constitue l’un des signes précurseurs les plus fiables d’une récession », souligne Jared Franz.


L’inversion de la courbe des taux, un signe précurseur d’une récession

Capital Group, Bloomberg Index Services Ltd., National Bureau of Economic Research, Refinitiv Datastream. Au 17 mars 2023.

Les récessions doublées d’une crise bancaire sont en moyenne plus sévères que les récessions « classiques », car elles ont des répercussions sur le fonctionnement de l’ensemble de l’économie. D’une part, les banques ont tendance à durcir leurs conditions d’octroi de prêts, compliquant ainsi la recherche de financements pour les entreprises et les particuliers. D’autre part, les ménages réduisent leurs dépenses et constituent une épargne de précaution, tandis que les entreprises licencient davantage.


En conséquence, Jared Franz a revu ses estimations de croissance à la baisse : le produit intérieur brut (PIB) américain pourrait désormais se contracter de 1,5 à 2,0 % sur l’ensemble de 2023, contre 1,0 % auparavant. « Cela resterait toutefois très inférieur aux chiffres enregistrés durant la crise financière mondiale de 2007 à 2009, durant laquelle le PIB avait chuté de 4,3 %. »


Qu’en est-il de l’inflation ?


Le risque, du point de vue de la Fed, est que l’inflation demeure élevée, d’autant que l’indice des prix à la consommation américain a atteint 6 % en rythme annualisé en février, nettement plus que l’objectif officiel de 2 %. Un tel scénario pourrait dissuader la Fed d’abaisser trop rapidement le taux directeur, et l’inciter plutôt à l’attentisme – le temps de voir dans quelle ampleur les conditions de financement se durcissent ces prochains mois en cas d’aggravation des turbulences au sein du système bancaire, voire de propagation à d’autres secteurs.


« La lutte contre l’inflation n’est pas terminée, estime Jared Franz. Mais paradoxalement, la faillite de SVB pourrait aider la Fed à atteindre son objectif d’un resserrement des conditions de financement suffisant pour ferait chuter la demande, et donc l’inflation. »


« Les difficultés actuelles du secteur bancaire sont encore trop récentes pour savoir comment la situation pourrait évoluer. Tout dépend de la réaction des autorités et du potentiel de contagion à d’autres banques. Dans ce climat incertain, j’espère simplement que nous nous posons les bonnes questions. »


Le secteur bancaire en difficulté ? Nous sommes déjà passés par là


Will Robbins, gérant de portefeuille chez Capital Group, reste persuadé de la robustesse générale du système bancaire américain. D’après cet ancien analyste qui a couvert le secteur bancaire pendant plus de 30 ans, il faudra simplement s’armer de patience jusqu’à ce que les turbulences s’estompent. Les autorités ont réagi sans tarder pour enrayer la panique parmi les investisseurs exposés à des banques régionales, et les établissements les plus robustes sont intervenus pour porter secours des plus faibles.


« Nous sommes déjà passés par là, explique Will Robbins. Le retrait massif des dépôts auquel nous assistons n’a rien d’exceptionnel. Certes, il va y avoir du désordre et de la confusion, et il faudra un peu de temps avant que nous y voyions plus clair. Mais je pense que nous sommes bien positionnés pour surmonter cet épisode. »


Selon Will Robbins, la déroute de SVB pourrait avoir plusieurs retombées, parmi lesquelles un durcissement marqué des conditions de prêt et un renforcement de la réglementation applicable aux petites et moyennes banques, ce qui limitera logiquement la capacité de ces dernières à générer des profits.


« À plus long terme, je suis convaincu que la généralisation à toutes les banques du régime réglementaire strict mis en œuvre au lendemain de la crise financière érodera la capacité bénéficiaire des plus petites. » Elles seront désormais soumises à des exigences de fonds propres et de liquidité, à des tests de résistance (stress testing) périodiques et à des restrictions sur les types d’investissements qu’elles peuvent ajouter à leurs portefeuilles obligataires. Or, d’une manière générale, les banques détenant moins de 250 milliards USD d’actifs n’étaient jusqu’à présent pas concernées par ces réglementations.


Les banques régionales sont dans le collimateur depuis la débâcle de SVB

Sources : Capital Group, FactSet. Valeur des dépôts au 31 décembre 2022.

Mais les lignes bougent rapidement, avertit Will Robbins, de sorte qu’il est important pour les investisseurs de continuer à suivre la situation de près.


« Il est vrai que les banques centrales sont intervenues immédiatement pour tenter de prévenir la contagion au reste du système financier. Toutefois, nous sommes encore dans le feu de l’action et il est impossible d’anticiper la suite des événements. »


« Too Big to Fail », ou la résistance à toute épreuve


Comme pour toute crise, celle qui se déroule actuellement est source d’opportunités d’investissement, en particulier dans une optique de long terme.


Les grandes banques américaines profitent par exemple de leur statut « refuge » : de nombreux clients d’établissements régionaux transfèrent leurs dépôts vers les quatre leaders que sont JPMorgan Chase, Bank of America, Citigroup et Wells Fargo.


L’accès moins facile aux marchés des capitaux semble également propice pour d’autres grandes entreprises dotées d’un bilan solide et capables de financer leur croissance de façon autonome. Des leaders technologiques comme Apple ou Amazon pourraient ainsi retrouver les faveurs des investisseurs si les taux d’intérêt devaient reculer sensiblement.


« Ce sont ces mêmes entreprises qui ont été malmenées en bourse quand les taux étaient orientés à la hausse, explique Will Robbins. On peut aujourd’hui imaginer qu’elles continueront de croître dans un environnement de faible croissance. D’un côté, elles n’ont pas besoin de capitaux pour se développer. Et de l’autre, la plupart d’entre elles ont déjà financé leurs grands projets d’investissement lorsque le loyer de l’argent était nettement inférieur.


« De ce fait, si les anticipations de taux d’intérêt repartent à la baisse, ou du moins si elles ne vont pas aussi haut qu’on l’imaginait il y a quelques semaines encore, alors les sociétés de type ‘croissance’ pourraient être jugées plus attrayantes, en particulier les acteurs historiques qui ont déjà financé leur croissance il y a des années. »



Pramod Atluri est gérant de portefeuille obligataire chez Capital Group et possède 20 ans d’expérience en matière d’investissement. Il est titulaire d’un MBA de Harvard et d’une licence obtenue à l’Université de Chicago, ainsi que de la certification Chartered Financial Analyst (CFA).

Jared Franz est économiste chez Capital Group et possède 18 ans d’expérience dans le secteur de l’investissement. Il est titulaire d’un doctorat en économie d’University of Illinois à Chicago et d’une licence de mathématiques de Northwestern University.

William L. Robbins est gérant de portefeuille actions chez Capital Group. Il est membre du « Portfolio Solutions Committee ». Il possède 29 ans d’expérience dans le secteur de l’investissement, et travaille pour Capital Group depuis 26 ans. Il est titulaire d’un MBA de Harvard Business School et d’une licence de Harvard College (avec mention d’excellence). Will est basé à San Francisco.


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