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Perspectives d’investissement de Capital Group

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Énergie
Énergie : 5 tendances pour 2023
Craig Beacock
Analyste investissement actions
Darren Peers
Analyste investissement actions
CE QU’IL FAUT RETENIR
  • La demande mondiale de pétrole pourrait atteindre de nouveaux sommets du fait de la levée des restrictions sanitaires et de la reprise économique en Chine.
  • Les réserves de pétrole de qualité supérieure sont épuisées, et outre son coût supérieur, une exploration plus poussée nécessite une plus grande expertise.
  • Les compagnies pétrolières et gazières cherchent des moyens nouveaux pour réduire les émissions liées à leurs activités. Les acteurs européens cherchent à remplacer leurs activités consommatrices de combustibles fossiles par d’autres, plus vertueuses, tandis que les sociétés américaines s’efforcent de décarboner leurs métiers existants.

Après deux années de nette surperformance par rapport au reste du marché, les valeurs énergétiques ont-elles encore un potentiel de progression ?


L’évolution des prix du pétrole ayant des répercussions directes sur les résultats de nombreuses entreprises, elle est généralement un bon indicateur des perspectives du secteur. Or, la conjoncture récente semble déroger quelque peu à la règle puisque contrairement aux prix du pétrole, qui ont fortement fluctué l’année dernière avant de revenir récemment à leurs niveaux de début 2022, les valeurs énergétiques sont restées pour la plupart orientées à la hausse. Les investisseurs ont donc de bonnes raisons de s’interroger sur les niveaux de valorisation des sociétés du secteur.


1.  La hausse des valeurs pétrolières va-t-elle se poursuivre ?


Les valeurs pétrolières sont sans doute à l’aube d’un cycle haussier qui pourrait durer plusieurs années. Cela ne signifie pas pour autant que le secteur de l’énergie – lequel est porté principalement par ces valeurs – évoluera selon une trajectoire linéaire. Les longues phases de progression sont en effet ponctuées de « mini-cycles » (allant de quelques mois à un an, parfois plus), où des facteurs à court terme prennent le pas sur la dynamique à long terme de l’offre et de la demande. Malgré tout, il existe des opportunités d’investissement pour les trois à cinq années à venir.


D’une part, avec la levée des restrictions sanitaires et la reprise économique en Chine, la demande mondiale de pétrole pourrait atteindre de nouveaux records, à près de deux millions de barils supplémentaires par jour selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE). D’autre part, le monde fait face à une pénurie structurelle de l’offre, en raison notamment 1) d’un sous-investissement depuis de nombreuses années dans de nouvelles capacités de production, 2) d’une stratégie de baisse de la production – en deçà des objectifs d’offre – par l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP+) et 3) d’un recul des stocks américains de schistes bitumineux. Il faudra sans doute compter plusieurs années avant que l’offre rattrape la demande. Et d’ici là, compte tenu de ces facteurs, le baril de pétrole devrait se maintenir au-dessus de 70 USD.


Si l’on en croit les données passées (voir ci-dessous le cas du Canada en graphique), la nouvelle phase de progression du secteur de l’énergie semble à peine commencer. À la faveur de l’envolée des prix de l’énergie, les acteurs du secteur ont généré en 2022 un free cash-flow total record estimé à 1 400 milliards USD, et conservent à ce jour des valorisations attrayantes, comme le démontrent notamment leurs ratios cours/bénéfice et cours/valeur comptable. Enfin, comme le suggère la résilience des valeurs pétrolières malgré le reflux des cours du brut ces trois derniers mois, les investisseurs font abstraction d’un éventuel accès de faiblesse des prix des matières premières sous-jacentes à court terme.


Les phases de progression des valeurs énergétiques sont tout sauf éphémères

Données au 25 janvier 2023. Sources : Bloomberg, Peters & Co. Limited, résultats de l’indice S&P/TSX (Canada) Composite.

2.  Quelles sont les dépenses prioritaires des compagnies pétrolières ?


La plupart des compagnies pétrolières se sont détournées d’une stratégie de croissance forte et de réinvestissement dans l’appareil de production, au profit de dividendes supérieurs et d’une plus grande discipline sur les coûts. Il s’agit là d’un changement de modèle économique majeur et probablement voué à durer. Grâce aux cash-flows exceptionnels qu’elles ont générés en 2022, ces entreprises bénéficient aujourd’hui d’une assise financière historique. Et pour 40 % des dirigeants des 100 premières compagnies pétrolières et gazières américaines interrogés par Deloitte en 2022, le capital doit être affecté en premier lieu au désendettement de leur entreprise et à la rémunération de leurs actionnaires.


Le raccourcissement et la pentification de la courbe de coût renforcent la rentabilité des compagnies pétrolières 

Données à fin avril 2022. Courbe de coût : quantité de pétrole brut produite pour un coût donné. Permet de déterminer la rentabilité du forage d’un nouveau puits : plus la courbe est courte et pentue, plus la rentabilité est élevée. Kbep/j : milliers de barils équivalent pétrole par jour. Source : Capital Group, Bloomberg, Goldman Sachs.

Cette priorité aux actionnaires découle des exigences croissantes de ceux-ci en matière de discipline financière. Les investisseurs réclament en effet le versement de dividendes et des rachats d’actions, plutôt que de vendre leurs titres pour réinvestir à des cours encore plus élevés. Face à ce constat, il faudra sans doute attendre au moins 12 à 18 mois avant que les producteurs ne recommencent à investir dans leur appareil productif, tout en étant contraints de maintenir une discipline stricte en matière d’allocation des ressources et de retour sur investissement.


Les cours pétroliers sont également soutenus par l’inadéquation entre l’offre et la demande, laquelle devrait persister encore de nombreuses années compte tenu de l’aggravation du déficit de production de l’OPEP+ et des prévisions de recul des capacités de production disponibles à l’échelle mondiale. En tant que grands pays producteurs de pétrole, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis pourraient certes décider d’augmenter chacun sa production d’un million de barils par jour, mais la construction de ces capacités supplémentaires nécessiterait plusieurs années. En outre, une partie de la production américaine est en perte de vitesse. Les capacités mondiales sont donc actuellement insuffisantes pour accroître l’offre.


Par ailleurs, les réserves d’hydrocarbures de qualité supérieure étant désormais épuisées, il est aujourd’hui nécessaire de mener des campagnes d’exploration poussée, lesquelles occasionnent des dépenses accrues et requièrent une expertise plus pointue. Pour accroître leur offre, les sociétés américaines de prospection et de production d’hydrocarbures devront probablement acquérir des entreprises spécialisées. L’inflation contribue quant à elle à la flambée des coûts des services pétroliers, un phénomène qui affecte l’ensemble du secteur, et plus particulièrement les petites structures, aux ressources plus limitées.


Si l’on tient compte du rapport actuel entre l’offre et la demande, le baril de brut ne devrait pas descendre en dessous de 70 USD dans la plupart des scénarios, un prix qui devrait permettre aux principaux acteurs du secteur de préserver leurs marges en dépit de l’inflation et du surcoût de production.


3.  Quel sera l’impact de l’Inflation Reduction Act sur les sociétés du secteur de l’énergie ?


La loi américaine Inflation Reduction Act adoptée en 2022 marque un tournant décisif, car elle prévoit 369 milliards USD de dépenses fédérales – sous forme de crédits d’impôt, de prêts, de subventions aux entreprises et aux particuliers – en faveur des énergies propres. Grâce à cette réforme, le profil de rendement des investissements dans des domaines comme le stockage de carbone et l’hydrogène propre pourrait se trouver nettement amélioré.


Si à ce jour, quelques « supermajors » américaines seulement se sont lancées dans des projets bas carbone pouvant être mis en œuvre à plus grande échelle, l’Inflation Reduction Act pourrait déclencher une vague d’investissements ces dix prochaines années au profit des secteurs du pétrole et du gaz, de la chimie et de l’automobile, pour n’en citer que quelques-uns.


Cela étant, malgré l’optimisme ambiant, certaines entreprises semblent jouer la prudence, de crainte que les priorités politiques ne changent – le gouvernement de Joe Biden soutient l’investissement dans les énergies renouvelables, mais qu’en sera-t-il après les prochaines élections présidentielles ? – ou que les combustibles fossiles redeviennent compétitifs en raison d’une remontée des prix de l’énergie.


4.  En quoi l’approche de décarbonation des sociétés européennes et américaines diffère-t-elle ?


Quel que soit leur marché d’origine, les compagnies pétrolières et gazières cherchent à réduire les émissions liées à leurs activités, un changement de comportement qui tient en grande partie au fait qu’elles soient de plus en plus nombreuses à se fixer des objectifs « zéro émissions nettes » (c’est-à-dire visant à neutraliser leurs émissions de gaz à effet de serre).


Si les acteurs européens cherchent à remplacer leurs activités consommatrices de combustibles fossiles par d’autres, plus vertueuses, les sociétés américaines s’efforcent quant à elles de décarboner leurs métiers existants, en recourant par exemple au stockage de carbone (qui consiste à capter le CO₂ dans l’atmosphère et à le stocker sous forme solide ou liquide) plutôt que de diversifier leur mix énergétique.


Les « supermajors » européennes privilégient les investissements sobres en carbone

Données à fin septembre 2022. Données fournies par les entreprises citées. Les investissements en faveur de la décarbonation peuvent être inférieurs, car plusieurs entreprises intègrent leurs activités liées au gaz naturel à leurs investissements bas carbone. Source : InfluenceMap.

Des deux côtés de l’Atlantique, la législation a un rôle moteur. Avec son plan REPowerEU adopté en mars 2022, l’Union européenne consacre 210 milliards USD d’investissements supplémentaires au profit des énergies propres, ce qui comprend le financement de nouveaux partenariats dans le gaz bas carbone, l’hydrogène propre, le solaire ou encore l’éolien.


Les entreprises qui n’investissent pas dès aujourd’hui dans le renouvelable pourraient, à terme, être pénalisées, non seulement en raison de leurs moins bons résultats sur le plan environnemental, social et de gouvernance, mais également car elles perdront des parts de marché à mesure que la demande d’énergies renouvelables progresse.


5.  Quels segments offrent des opportunités ?


La production de sables bitumineux dans l’Alberta (Canada), par exemple, revient moins cher que ce que l’on a tendance à croire, puisque les coûts baissent depuis une vingtaine d’années. Les infrastructures correspondantes ont en effet une durée de vie longue et une valeur qui recule très lentement, de sorte que l’intensité en capital requise pour pérenniser ces activités est inférieure à celle actuellement requise sur le marché américain. Soulignons également les free cash-flows supérieurs (c’est-à-dire les flux de trésorerie disponible, après prise en compte des investissements et des charges d’exploitation) et la décote affichée par les actions des sociétés canadiennes d’exploration et de production de sables bitumineux, en raison notamment des enjeux environnementaux qui y sont associés et de leur forte intensité carbone, par rapport à leurs homologues américaines.


La faible intensité en capital des producteurs canadiens de sables bitumineux se traduit par des taux élevés de conversion du free cash-flow

Taux de conversion du free cash-flow : flux de trésorerie disponible divisé par le bénéfice net. Sources : rapports de sociétés et analyse de Capital Group.

Producteurs canadiens de sables bitumineux : IMO (Imperial Oil), CNQ (Canadian Natural Resources Limited), CVE (Cenovus Energy), SU (Suncor Energy). Entreprises d’exploration et de production du S&P 500 : OXY (Occidental Petroleum Corporation), COP (ConocoPhillips), DVN (Devon Energy Corporation), CTRA (Coterra Energy), MRO (Marathon Oil Corporation), APA (APA Corporation), FANG (Diamondback Energy), PXD (Pioneer Natural Resources Company), EOG (EOG Resources), EQT (EQT Corporation), HES (Hess Corporation).

Certaines « supermajors » américaines et européennes se soumettent à une discipline budgétaire inédite depuis plusieurs décennies, et leurs dividendes offrent une certaine protection aux investisseurs en cas de nouvelle détente des cours pétroliers. Elles pourraient par ailleurs bénéficier doublement du niveau durablement élevé des cours du pétrole et du gaz : via les sociétés en amont (exploration et production), mais aussi en aval de la chaîne de valeur (raffinage), et qui enregistrent actuellement des marges records. Enfin, malgré un profil très similaire, les « supermajors » européennes affichent une décote (PER) inhabituellement élevée par rapport à leurs homologues américaines.


Les « supermajors » européennes affichent une importante décote par rapport à leurs concurrentes américaines

Données au 25 janvier 2023. Source : Bloomberg.

 



Craig Beacock est analyste des investissements en actions chez Capital Group. Il est responsable de la recherche dans le domaine de l'énergie et couvre également les petites et moyennes capitalisations au Canada, ainsi que les sociétés pétrolières intégrées, du secteur intermédiaire et du raffinage aux États-Unis et en Europe. Il est titulaire d'un bachelor’s degree en administration des affaires de l'Université de Californie du Sud. Il est également détenteur de la certification CFA ®. Craig est basé à San Francisco.

Darren Peers est analyste d’investissements en actions chez Capital Group. Il est responsable de la recherche sur le secteur pétrolier et gazier intégré aux États-Unis et en Europe, sur l'exploration et la production de pétrole et de gaz aux États-Unis et au Canada, sur le raffinage et la commercialisation du pétrole et du gaz, ainsi que sur les sociétés d’équipements de grande capitalisation aux États-Unis. Il est titulaire d'un MBA de la Tuck School of Business du Dartmouth College et d'un bachelor’s degree en économie de Dartmouth College. Darren est basé à Los Angeles.


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