Dimanche 2 juin, plus de 99 millions d’électeurs ont participé au plus grand scrutin de l’histoire du Mexique, regroupant le même jour l’élection présidentielle, les élections législatives et plusieurs élections locales.
Claudia Sheinbaum, candidate du parti de gauche au pouvoir Morena (Mouvement de la régénération nationale) et grande favorite pour succéder au président sortant, Andrés Manuel López Obrador (surnommé AMLO), a remporté l’élection présidentielle à une majorité inédite depuis les années 1980. Les résultats des élections législatives ont été encore plus inattendus : ensemble, le parti Morena et ses alliés ont obtenu la majorité qualifiée à la Chambre des députés (soit plus de deux tiers des voix, à 69 %), même s’ils l’ont raté de justesse au Sénat (avec 64 % des voix). L’entrée en fonction du nouveau Congrès est prévue le 1er septembre, et l’investiture de la nouvelle présidente, le 1er octobre.
Conséquences pour les marchés financiers
Du point de vue des investisseurs, cette victoire incontestable donne à penser que plusieurs réformes constitutionnelles visant à affaiblir les contre-pouvoirs pourraient prendre forme. Les marchés ont donc corrigé dans la foulée de l’élection.
Les différentes propositions présentées par AMLO au premier trimestre 2024 ont en effet toutes les chances d’être mises en œuvre par la nouvelle présidente. Certaines portent sur des programmes et politiques déjà en vigueur, tandis que d’autres concernent le fonctionnement de l’Institut fédéral électoral, du pouvoir judiciaire et de différentes agences autonomes, le tout dans l’intérêt du nouvel exécutif. L’impact budgétaire de ces réformes est encore flou, mais elles compliqueront à coup sûr la gestion des finances publiques.
Malgré tout, cette nouvelle majorité renforcée au Congrès ne devrait rien changer à la volonté du prochain gouvernement de préserver la stabilité macroéconomique du Mexique. Quand il était à la tête du pays, AMLO n’a eu besoin que d’une majorité simple (plus de 50 % des voix) au Congrès pour faire adopter des mesures de transferts sociaux et des projets d’infrastructure. Son gouvernement a également maintenu l’équilibre budgétaire, par crainte d’accroître la volatilité du peso et pour tenir sa promesse de ne pas créer de nouveaux impôts.
La nouvelle présidente Claudia Sheinbaum s’est montrée mesurée dans son discours de victoire, laissant entendre qu’elle opterait pour le statu quo : discipline budgétaire, respect de l’autonomie de la banque centrale, poursuite des programmes de transferts sociaux instaurés par AMLO, facilitation des investissements privés nationaux et étrangers, et collaboration avec les États-Unis. Son ministre des finances s’est pour sa part engagé à réduire le déficit budgétaire en 2025 et à maintenir la discipline budgétaire, ce qui nécessitera peut-être d’augmenter les impôts – sachant que le Mexique affiche le ratio recettes fiscales/PIB le plus bas de l’OCDE et l’un des plus faibles d’Amérique latine.
Actualités politiques à suivre :
D’ici le 1er octobre 2024 : au cours des quatre prochains mois, les marchés décrypteront les antécédents des principaux membres du gouvernement et seront attentifs aux déclarations de la nouvelle présidente. Même s’il veillera globalement à préserver la stabilité macroéconomique, le parti au pouvoir pourrait hésiter à adopter des réformes essentielles, mais aussi déployer les mesures nécessaires pour attirer les investissements.
Septembre-octobre 2024 : au cours du mois qui s’écoulera entre l’entrée en fonction du Congrès et l’investiture de la nouvelle présidente, AMLO pourrait accélérer son programme de réformes pour en faire adopter le plus possible avant la fin de son mandat. Cette période sera également l’occasion de connaître les réformes privilégiées par Claudia Sheinbaum, et de voir si le nouveau gouvernement parvient à réunir une majorité aux deux tiers au Sénat.
D’ici novembre 2024 : il sera également essentiel de suivre la campagne électorale américaine, d’autant plus si les marchés commencent à intégrer les retombées possibles d’une réélection de Donald Trump, pour lequel la crise migratoire est une priorité et pourrait s’intensifier s’il venait à menacer de fermer la frontière entre le Mexique et les États-Unis. À noter toutefois les importants intérêts économiques et stratégiques américains au Mexique liés à la diversification des chaînes d’approvisionnement de la Chine au profit de pays alliés des États-Unis.
Novembre-décembre 2024 : en fin d’année, quatre des onze magistrats siégeant à la Cour suprême mexicaine seront issus du parti Morena, soit le nombre minimum requis pour contester, sur la base de motifs constitutionnels, les lois adoptées par le Congrès. Le budget devrait également être annoncé en novembre, ce qui sera l’occasion de découvrir si Claudia Sheinbaum poursuit « l’austérité républicaine » et le conservatisme budgétaire d’AMLO, comme elle s’y est engagée lors de son allocution le soir de son élection.