L’intégration ESG peut également permettre de réviser une thèse d’investissement existante. Par exemple, notre processus de veille a mis en évidence la nécessité de mener une recherche approfondie sur un émetteur sud-américain. Les principaux facteurs à l’origine de ce signalement portaient sur la dégradation des indicateurs de gouvernance mondiaux de la Banque mondiale et de l’indice de développement humain des Nations Unies, révélant respectivement un recul de la lutte contre la corruption et une dégradation de l’espérance de vie à la naissance.
Alerté par ce signalement, l’un de nos analystes d’investissement obligataire a mené un examen approfondi, à l’issue duquel il a constaté que la prévention de la corruption est en perte de vitesse depuis plusieurs années dans le pays, ce qui contribue non seulement à accroître son risque géopolitique, mais également à entraver sa capacité à se financer auprès du Fonds monétaire international (FMI) et d’institutions multilatérales (qui sont souvent des prêteurs en dernier ressort). Le recul de l’espérance de vie est quant à lui dû principalement à la pandémie de Covid-19 et aux ressources financières limitées des services médicaux relevant du secteur public.
Cet examen a incité notre analyste à adopter une perspective plus prudente, ce qui s’est traduit par une exposition limitée à ce pays. En effet, le niveau des cours des obligations ne permet pas de compenser la dégradation générale du risque de crédit, en raison notamment des craintes accrues liées à une lutte insuffisante contre la corruption. L’exploitation de données tierces est donc un autre atout de l’approche d’intégration ESG choisie par Capital Group pour faire vivre son processus d’investissement.
3. Le renforcement du dialogue avec les émetteurs
Le dialogue avec les émetteurs est essentiel pour comprendre la position et la stratégie des dirigeants d’entreprises et d’États sur les grands enjeux ESG, et pour évaluer les risques d’investissement qui en découlent. Du moral des collaborateurs aux risques environnementaux, les sujets abordés peuvent être très variés. Il est donc important que nos spécialistes aient une bonne connaissance de ces sujets, pour prendre des décisions d’investissement éclairées et faciliter la communication avec les parties prenantes.
Mais certains sujets reviennent plus fréquemment que d’autres, par exemple la rémunération des dirigeants dans les sociétés de secteurs technologiques et à forte croissance.
Il y a quelque temps, l’une de nos analystes d’investissement a relevé un risque lié au barème de rémunération d’une société américaine spécialisée dans les logiciels et les services de gestion des ressources humaines.
Son principal sujet de préoccupation était une disposition à tacite reconduction prévoyant l’augmentation automatique du nombre d’actions pouvant être émises sans que l’accord des actionnaires soit requis. En vertu de cette disposition, la société pouvait ainsi accroître sa réserve d’actions jusqu’à 3 % par an sur la durée de vie du plan d’intéressement en actions (soit 10 ans), ce qui engendrait un important risque de dilution de la valeur pour les investisseurs à long terme.
Après avoir mené une recherche et une analyse approfondies, notre analyste d’investissement a donc rencontré l’entreprise pour évoquer à la fois le risque de dilution pour les investisseurs, et les pratiques habituelles du secteur en matière de plans de rémunération.
À l’issue de ces échanges, le Conseil d’administration a fait supprimer cette disposition et a adopté les bonnes pratiques du secteur, qui consistent à soumettre au vote en assemblée générale, à quelques années d’intervalle, une demande d’allocation spécifique d’actions à utiliser dans le plan d’intéressement, une approche qui permet aux actionnaires d’évaluer périodiquement le potentiel de dilution. La recherche et l’analyse sur cet enjeu de gouvernance (« G ») ont ainsi contribué à nourrir un dialogue fructueux entre notre analyste et l’entreprise concernée pour faire converger ses intérêts avec ceux de ses actionnaires.
Conclusion : l’intégration ESG vient en complément de l’analyse financière traditionnelle
Tous ces exemples montrent qu’en s’appuyant sur des données et des connaissances extrafinancières, la prise en compte des enjeux ESG contribue à révéler des problématiques en marge de l’analyse financière classique, et à évaluer les opportunités d’investissement à long terme.
Considérées isolément, l’intégration ESG et l’analyse financière classique ont un intérêt limité – d’où l’intérêt de les associer pour compléter le « puzzle » de l’investissement.