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Politique monétaire
Saga de la politique monétaire et de l’inflation aux États-Unis le dénouement est proche
Tim Ng
Gérante de portefeuille obligataire
Tom Hollenberg
Gérante de portefeuille obligataire

D’ici fin 2021, nous nous attendons à ce que la Réserve fédérale américaine (Fed) commence à réduire la voilure de certaines mesures de relance extraordinaires qu’elle avait initiées au tout début de la pandémie. Bien que ses dirigeants se soient gardés d’évoquer la question durant leur réunion de septembre 2021, nous connaissons déjà la première étape : la Fed commencera par ralentir le rythme de ses achats d’obligations, un processus appelé « tapering » en anglais.


La dernière fois qu’elle l’a fait, en 2013, les marchés, alors pris au dépourvu, avaient violemment réagi et les taux obligataires s’étaient envolés (le fameux « taper tantrum »). Les investisseurs étant cette fois-ci mieux préparés, une redite nous semble peu probable. Le durcissement progressif de la politique de la Fed a été bien amené, seul le calendrier reste flou. Voyons comment les choses pourraient se dérouler et de quelle manière elles impacteront les marchés obligataires.


 


Le « tapering » de la Fed est imminent, mais il n’y aura pas de hausse des taux d’intérêt avant fin 2022


En août, certains investisseurs estimaient déjà que la Fed pourrait profiter de sa réunion de septembre pour annoncer le début du ralentissement progressif de ses achats d’obligations. Puis la publication de statistiques sur l’emploi relativement fragiles et d’un taux d’inflation en recul en août a fait s’envoler cette possibilité. Nous estimons désormais que la Fed fera une annonce dans ce sens à l’issue de sa réunion de novembre – sauf dégradation sensible de la conjoncture économique d’ici là.


La banque centrale américaine entamera probablement son « tapering » dans les semaines suivantes. À partir de là, si l’on en croit ses dernières déclarations et la manière dont elle avait procédé en 2013, nous estimons que le prochain « tapering » durera de six à neuf mois, pour se terminer sans doute vers la mi-2022. Actuellement, la Fed achète chaque mois 120 milliards USD en bons du Trésor et obligations hypothécaires, un montant qui baissera progressivement jusqu’à ce que la taille de son bilan soit stabilisée.


Une fois qu’elle sera parvenue au terme de son programme de « tapering », elle n’achètera plus que des actifs en remplacement des titres parvenus à maturité, pour maintenir la taille de son bilan. Dès lors, tout relèvement des taux directeurs sera conditionné à trois critères :


 


1. L’économie est-elle parvenue à une situation de plein emploi ?


2. L’inflation sous-jacente (c’est-à-dire hors prix alimentaires et de l'énergie) a-t-elle atteint son objectif de 2 % ?


3. L’inflation sous-jacente est-elle en bonne voie de dépasser son objectif de 2 % ?


 


Nous verrons plus loin si ces conditions sont réunies. Il nous paraît peu probable que la Fed commence à envisager de relever ses taux avant la fin 2022 au plus tôt. Et à partir du moment où elle laissera les taux courts remonter, elle procèdera de manière très graduelle, comme elle l’a fait de 2015 à 2018.


 


Pourquoi, malgré une inflation en hausse, la Fed n’a-t-elle pas réduit sensiblement ses achats d’obligations ?


Comme la plupart des investisseurs le savent, le taux d’inflation n’est pas un frein pour la Fed, qui l’a laissé passer au-dessus de son objectif de 2 % cette année. Par exemple, son indicateur favori, l’indice sous-jacent des dépenses de consommation des ménages américains, s’est établi à 3,6 % en juillet, un niveau à la fois bien supérieur à son objectif, et inédit depuis le début des années 1990.


 


Mais aujourd’hui, le taux d’inflation n’entre pas nécessairement en ligne de compte pour inciter la Fed à relever ses taux directeurs, car elle ne commencera probablement pas à envisager un tel mouvement avant fin 2022. Reste donc à voir si le niveau actuel de l’inflation se maintiendra jusque-là. Si la croissance des prix repasse en deçà de l’objectif, alors la Fed pourrait reporter la hausse de ses taux.


À l’inverse, les tensions inflationnistes pourraient s’accentuer et engendrer une bulle des loyers, des prix immobiliers ou encore des prix des services. Si la Fed commence à s’inquiéter d’une telle surchauffe, alors elle pourrait être tentée d’avancer son calendrier.


 


Un relèvement des taux est peu probable tant que la Fed n’aura pas une meilleure visibilité sur les perspectives d’emploi


Le plein emploi est un concept difficile à mesurer. En ce moment, le marché du travail subit d’importantes perturbations. D’après les enquêtes spécialisées, le nombre de travailleurs aux États-Unis a reculé de 5 millions de personnes entre début 2020 et l’été 2021. Soulignons toutefois que ce chiffre ne tient pas compte de l’augmentation naturelle de la population active (200 000 personnes chaque mois), qui creuse mécaniquement l’écart, avec au moins 8 millions de travailleurs en moins par rapport à une situation de plein emploi.


Sans compter que la situation des salaires et des offres d’emploi vient compliquer les choses. Les emplois les moins bien rémunérés ont augmenté de plus de 3 % cette année, un niveau nettement supérieur à la moyenne, et on compte 1,3 poste vacant par demandeur d’emploi. Alors que ces facteurs attestent normalement d’un marché de l’emploi tendu, les tendances actuelles dépeignent un tableau moins brillant. Le marché de l’emploi pourrait par exemple s’avérer moins dynamique en 2022 que ces offres d’emploi et hausses de salaire ne semblent l’annoncer, ce qui pourrait inciter la Fed à reporter sa première hausse des taux d’intérêt si le taux de chômage met plus de temps que prévu à reculer.


 


Pourquoi il ne devrait pas y avoir de « Taper Tantrum 2.0 »


Les investisseurs en obligations ont paniqué la dernière fois que la Fed a annoncé le durcissement de sa politique monétaire. Il est peu probable que cela se reproduise cette fois-ci. Pour commencer, les investisseurs ont déjà vu la Fed à l’œuvre, et ont pu constater que l’impact d’une telle décision – et la normalisation dans son ensemble – ont été tout sauf catastrophiques. En 2013, les investisseurs craignaient que les taux des Fed Funds passent de zéro à 4 % ou 5 %. Il n’en a rien été. Cette fois, ils ne s’attendent pas à ce qu’ils dépassent nettement le seuil des 2 %.


Ensuite, une fois que le « tapering » aura commencé, les marchés ne devraient pas être pris par surprise, car la Fed s’est montrée très transparente dans ses intentions. Dans plusieurs discours et autres communications, son président Jerome Powell et d’autres gouverneurs ont expliqué ce à quoi il faut s’attendre. Dans ces conditions, il est peu probable que les marchés réagissent aussi brutalement. Bien sûr, le resserrement des conditions financières – par le biais d’une restriction des liquidités et d’une augmentation des coûts d’emprunt – pourrait éroder l’appétence au risque des investisseurs.


Déjà, la clarté avec laquelle Fed communique a fait monter les taux obligataires dans l’hypothèse d’un « tapering » annoncé avant la fin 2021, après quoi les préoccupations des investisseurs se porteront sur la rapidité à laquelle la Fed réduira ses achats d’actifs, puis commencera à relever ses taux d’intérêt. Si les tensions inflationnistes persistent et que le marché de l’emploi évolue dans la bonne direction, alors il est possible que les taux souverains augmentent sur toutes les échéances.


La hausse des taux courts aura un impact immédiat sur les taux obligataires à court terme, ce qui se traduira mécaniquement par un aplatissement de la courbe des taux. C’est du moins ainsi que cela s’est produit par le passé.


Alors que la normalisation de la politique monétaire américaine devrait faire remonter l’ensemble des taux obligataires, les 12 derniers mois montrent à quel point ces derniers peuvent rester obstinément bas, en raison notamment des craintes liées à la viabilité du rebond économique. Les investisseurs ont commencé à comprendre que la crise sanitaire était loin d’être terminée lorsque l’apparition de plusieurs variants, dont le Delta, a engendré une recrudescence des cas d’infection. L’économie chinoise, moteur de la croissance mondiale depuis une dizaine d’années, s’est elle-même affaiblie. Et pour finir, les investisseurs partagent l’avis de la Fed concernant la possibilité que l’inflation reste durablement élevée.


Certains investisseurs sont probablement préoccupés par la perspective d’un durcissement de la politique monétaire américaine. Mais la Fed ne se lancera que lorsqu’elle sera certaine de la capacité de résistance de l’économie. En définitive, la normalisation devrait contribuer à apaiser les craintes inflationnistes qui plombent les marchés depuis quelques mois. Surtout, une fois que la Fed aura réduit la taille de son bilan et relevé ses taux directeurs, elle sera en bien meilleure posture pour faire face au prochain choc économique. C’est pourquoi les investisseurs ont tout intérêt à intégrer la volonté de la Fed de préserver la stabilité des prix : dans ce contexte, les poches obligataires « core » devraient continuer d’offrir une certaine protection essentielle dans le cadre d’un portefeuille diversifié.



Tim Ng est gérant de portefeuille obligataire et possède 15 ans d’expérience dans le secteur de l’investissement. Il est titulaire d’une licence en informatique (avec mention) de l’université de Waterloo en Ontario.

Tom Hollenberg est gérant de portefeuille obligataire et possède 15 ans d’expérience dans le secteur de l’investissement. Il est titulaire d’un MBA en finance de la MIT Sloan School of Management et d’une licence en économie du Boston College.

 


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