Perspectives pour le deuxième semestre 2021 : l’économie américaine prête pour un redémarrage à toute vapeur
Darrell Spence
Économiste
Hilda Applbaum
Gérante de portefeuille
Chris Buchbinder
Gérant de portefeuille actions
11 juin 2021
Le Covid-19 demeure une menace sérieuse pour la santé publique et se propage encore dans de nombreux pays. Mais aux États-Unis (entre autres), les consommateurs dépensent de nouveau et l’économie semble sortir de sa léthargie « artificielle ».
Comme l’explique Chris Buchbinder, gérant de portefeuille chez Capital Group, « Nous observons un rattrapage marqué de la demande, dont l’ampleur et la durée pourraient être sous-estimées.
Comme nous l’avons vu en Israël, en Chine et ailleurs, dès que le virus est contenu, les nouveaux cas d’infection chutent et l’activité redémarre rapidement. Il y a donc fort à parier que le rebond économique va nettement s’accélérer aux États-Unis. »
Le produit intérieur brut américain a atteint une croissance annualisée de 6,4 % au premier trimestre 2021, tandis que la production économique totale pourrait retrouver ses niveaux d’avant-crise d’ici fin 2021, soit plusieurs années avant les précédentes anticipations. Ces performances sont en grande partie imputables aux dépenses des ménages et aux milliers de milliards de dollars injectés par le gouvernement dans l’économie.
Face à la croissance record de 21,1 % des revenus des ménages américains en mars, le Fonds monétaire international (FMI) a relevé ses estimations de croissance du PIB américain à 6,4 % en 2021, soit plus du double de sa prévision de janvier (3,1 %).
« Depuis le début de la pandémie, la reprise dépend essentiellement de la capacité des dispositifs de relance à soutenir l’économie en attendant des jours meilleurs. Maintenant que la campagne vaccinale permet d’accélérer la sortie de crise, la croissance pourrait s’avérer encore plus forte que ce que les marchés attendent aujourd’hui », ajoute Darrell Spence, économiste spécialiste des États-Unis chez Capital Group.
L’épargne disponible est abondante
Avec l’épargne accumulée ces derniers mois, les ménages américains ont un rôle central à jouer dans la reprise. Grâce aux chèques de relance et au redressement du marché de l’emploi, ils sont parvenus à économiser 21 % de leur revenu disponible au premier trimestre 2021. Et si l’on en croit les statistiques, la plupart des consommateurs, qui sont complètement vaccinés, prévoient d’utiliser une partie de leur pécule pour partir – enfin – en vacances ou simplement pour aller au restaurant. Les réservations de vols intérieurs et de dîner (via la plateforme OpenTable) ont d’ailleurs fortement rebondi.
« Les êtres humains étant avides de vécu et de contacts sociaux, je pense que l’activité repartira sur les chapeaux de roue dans les voyages et la restauration. Ce redémarrage est attendu par les marchés, reste à savoir quelles sociétés ressortiront renforcées de la pandémie », fait remarquer Hilda Applbaum, gérante de portefeuille chez Capital Group.
De nombreux acteurs des secteurs des voyages et des loisirs ne sont pas restés sans rien faire pendant ces longs mois. Les croisiéristes (Royal Caribbean par exemple) ont élaboré des protocoles stricts pour limiter la propagation du virus lorsque les paquebots pourront reprendre le large, des groupes comme Hilton étoffent leur parc immobilier et rationalisent leurs activités, tandis que dans la restauration, l’opérateur de restauration multi-marques Darden a mis en place des services de vente à emporter, de commande en ligne et de paiement sans contact.
« Certaines sociétés ont profité de la crise pour innover et s’améliorer. Je m’efforce d’investir dans celles qui sont positionnées pour devancer leurs concurrents lorsque l’activité économique redémarrera », explique Hilda Applbaum.
Les entreprises historiques s’adaptent à la concurrence technologique
Sans surprise, les nouvelles pépites technologiques, qui ont enregistré des gains spectaculaires ces dix dernières années, dominent aujourd’hui l’actualité. Mais les investisseurs ne doivent pas pour autant délaisser les entreprises traditionnelles, qui possèdent les ressources nécessaires pour rivaliser et sont à l’écoute pour apprendre de leurs jeunes concurrents.
Les exemples sont foison. Des enseignes de distribution comme Target, Costco ou encore Home Depot accélèrent leur dématérialisation pour résister à Amazon, tandis que General Motors et Volkswagen défient Tesla dans la voiture électrique.
« Cette année, il sera intéressant de voir si "l’empire contre-attaque", c’est-à-dire si les entreprises traditionnelles parviennent à innover et à tirer leur épingle du jeu dans ce climat de concurrence acharnée. Dans tous les cas, je n’exclurais certainement pas les acteurs historiques », déclare Carl Kawaja, gérant de portefeuille actions chez Capital Group.
Le virage numérique continue de transformer l’économie américaine
En quelques mois seulement, le Covid-19 a accéléré de plusieurs années le changement dans notre manière de vivre et de travailler, ainsi que le mode de fonctionnement des entreprises. D’après Chris Buchbinder, certaines sociétés ont vu leur modèle économique gagner trois ou quatre ans sur la seule année 2020.
La part des paiements numériques dans l’ensemble des paiements réalisés aux États-Unis est passée de 9 % en 2019 à 15 % en 2020. C’est 66 % de plus ! Dans le secteur médical, la téléconsultation, qui ne représentait qu’une petite partie des consultations médicales avant la pandémie, a bondi à près de 20 % durant les premiers mois de 2020. Ces changements de comportement sont-ils définitifs ?
Comme Chris Buchbinder le précise, « La croissance pourrait ralentir dans certains secteurs, mais je doute que l’on assiste à une inversion de ces tendances. Par exemple, les nouveaux films sont aujourd’hui disponibles immédiatement sur la plupart des plateformes de streaming. Lorsque le public retournera au cinéma, est-ce que cela s’arrêtera ? J’en doute. »
L’inflation : le sujet qui fâche
Bien que l’économie américaine se redresse à une vitesse remarquable, elle est à l’origine de ruptures de stock, d’une accélération de l’inflation et de craintes que la hausse des prix se prolonge.
Les consommateurs qui ont besoin d’acheter du bois ou une voiture d’occasion ont probablement la sensation que l’inflation est hors de contrôle. Toutefois, compte tenu des pressions déflationnistes à plus long terme, les craintes que l’inflation reste élevée ces prochaines années sont sans doute excessives, estime Ritchie Tuazon, gérant de portefeuille obligataire chez Capital Group.
« L’inflation a certes dépassé l’objectif de la Fed en avril, mais cela n’est pas dû à un cycle vertueux alimenté par la demande de main-d’œuvre. Il faut plutôt l’imputer au redémarrage de l’activité économique et à des goulets d’étranglement qui pèsent sur l’offre, deux éléments que nous jugeons éphémères. L’inflation devrait certes rester volatile, mais je reste à l’affût et table – à terme – sur un retour à ses niveaux d’avant-crise. »
À en croire les leçons du passé, les hausses marquées des prix des matières premières industrielles (cuivre, coton, caoutchouc, suif, zinc, etc.) ont un impact généralement limité sur l’indice des prix à la consommation sous-jacent (hors énergie et alimentation), qui constitue l’indicateur le plus utilisé pour mesurer l’inflation à long terme.
Conséquences en matière d’investissement
Les craintes d’une accélération de l’inflation et d’une remontée des taux d’intérêt semblent excessives. Il est vrai que l’inflation augmente rapidement à court terme, mais il y a de fortes chances que cela reste provisoire. Et la Fed ne semble pas pressée de relever ses taux directeurs compte tenu de la réduction attendue de la volatilité des prix à court terme.
Certaines entreprises historiques dans des secteurs comme l’automobile, la distribution et les loisirs adoptent les tendances innovantes qui transforment l’économie américaine.
Darrell Spence est économiste et directeur de recherche. Il possède 28 ans d’expérience, cumulée intégralement au sein de Capital Group. Il est titulaire d’une licence en économie de l’Occidental College et de l’accréditation CFA.
Hilda Applbaum possède 34 ans d’expérience et a rejoint Capital Group il y a 24 ans. Par le passé, elle a été analyste d’investissement chargée du marché mondial des obligations convertibles. Hilda est titulaire d’un master d’économie de l’université de New York, d’une licence de Barnard et de l’accréditation CFA.
Chris Buchbinder est gérant de portefeuille actions et possède 25 ans d’expérience. Il est titulaire d’une licence d’économie et de relations internationales de l’université de Brown.