Le résultat des élections américaines ramène les priorités politiques au centre du débat
12 novembre 2020
Avec: Reagan Anderson , Jason Bortz , Matt Miller & Michael Thawley
Maintenant que les résultats des élections américaines du 3 novembre se précisent, l’attention des investisseurs se tourne vers les conséquences politiques d’une présidence de Joe Biden. En résumé : il ne faut pas s’attendre à de grands changements dans les années à venir.
Avec un démocrate à la Maison-Blanche et des républicains qui vont probablement conserver le contrôle du Sénat, il sera difficile d’opérer des changements importants dans un contexte d’impasse dont Washington est familier. Le monde de l’investissement pourrait bien profiter de cette situation sur les deux tableaux.
« À supposer que l’hypothèse de base d’un gouvernement divisé se vérifie, aucune hausse importante des impôts n’est à prévoir pendant les deux prochaines années, au minimum », déclare Jason Bortz, Senior Counsel chez Capital Group, spécialiste des questions fiscales et de retraite. « Je pense que les réductions d’impôts votées en 2017 (l’accomplissement majeur du Président Trump) seront maintenues. »
Bien sûr, ce résultat ne tient que si le Sénat reste sous contrôle républicain, et toutes les courses aux sièges sénatoriaux ne sont pas encore terminées, remarque M. Bortz. Deux sièges au Sénat se joueront en Géorgie lors d’un second tour le 5 janvier, ce qui pourrait changer la donne. Cela fait toutefois 20 ans qu’un républicain n’a pas perdu une élection sénatoriale en Géorgie, état où il est nécessaire d’obtenir une majorité absolue pour gagner un siège au niveau fédéral.
L’incertitude politique persiste
Outre le statut non résolu de la Géorgie, l’incertitude demeure autour des résultats des élections présidentielles. Bien que Joe Biden ait été déclaré vainqueur par de grands médias d’information, l’équipe de campagne de Donald Trump a lancé une série de poursuites judiciaires pour contester les résultats, invoquant une fraude électorale et d’autres irrégularités dans plusieurs états clés. Les bulletins vont probablement être recomptés en Géorgie et dans d’autres « Swing states » où les médias ont déclaré Joe Biden vainqueur.
Bien qu’il soit peu probable que ces efforts changent le résultat, on ne peut pas les ignorer totalement, déclare Matt Miller, économiste politique de Capital Group.
« Je pense que nous devons nous préparer à quelques semaines de litiges », déclare M. Miller. « L’équipe Trump poursuivra toutes les voies juridiques disponibles, et il pourrait y avoir quelques rebondissements avant la fin. En tant qu’investisseurs, tout ce que nous pouvons faire est de rester calme et de poursuivre nos activités pendant que les procédures suivent leur cours. »
Les priorités politiques en jeu
Qu’est-ce qui pourrait changer pendant l’Administration Biden ?
La principale priorité sera de voter un plan de relance et de soutien en réponse au COVID, ce qui pourrait même se produire avant son investiture. L’idée est soutenue par les deux bords, Démocrates et Républicains. Malheureusement, démocrates et républicains n’ont pas réussi jusqu’à présent à s’entendre sur son montant. Cela pourrait changer maintenant que l’élection est passée.
« Une fois que le calme sera revenu, je suis raisonnablement optimiste quant au fait que le Sénat puisse collaborer avec la Chambre des représentants pour prendre une décision », déclare Reagan Anderson, vice-président senior de l’équipe Relations gouvernementales de Capital Group. « À mon avis, il peut y avoir un soutien bipartite pour des dépenses d’environ 1 000 milliards USD, ce qui représente la moitié du montant du précédent plan de soutien, mais reste un compromis avec lequel les dirigeants républicains et démocratiques peuvent vivre. »
Parmi les autres priorités de l’Administration Biden, on peut citer : des dépenses d’infrastructure modestes, une réforme de l’immigration et une réforme des prix des médicaments, réformes qui bénéficient toutes d’un certain soutien chez les républicains. L’environnement et le changement climatique vont probablement revenir sur le devant de la scène, notamment les politiques visant à encourager les investissements verts et une meilleure transparence en matière de questions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG).
En revanche, tant que le Congrès reste divisé, il est peu probable que certaines propositions de politique fiscale voient le jour, notamment les augmentations d’impôt sur les sociétés et les particuliers, une hausse de l’impôt sur les plus-values et une taxe sur les transactions financières.
« Nous ne prévoyons pas non plus de changements concernant les blocages au Sénat ou le nombre de juges à la Cour suprême, deux questions qui sont devenues des sujets d’actualité brûlants pendant la campagne » ajoute M. Anderson.
Politique étrangère
Sur le front de la politique étrangère, les relations entre les États-Unis et la Chine resteront certainement la priorité absolue de l’Administration Biden, déclare Michael Thawley, économiste politique chez Capital Group et ancien ambassadeur de l’Australie aux États-Unis. Même si l’équipe de Joe Biden en charge de la politique étrangère va approcher la Chine de manière plus stratégique et moins conflictuelle que Donald Trump, elle adoptera probablement une attitude plus dure que celle de l’administration Obama.
La politique commerciale de Joe Biden vis-à-vis de la Chine va probablement utiliser certaines tactiques de l’administration Trump, telles que les droits de douane. Les restrictions en matière de technologie et d’investissement resteront et seront même certainement renforcées, de manière toutefois plus systématique et ciblée, ajoute Michael Thawley, compte tenu du soutien croissant dont ces mesures bénéficient à Washington.
"Dans l’ensemble, la trajectoire de la relation États-Unis-Chine devient plus claire et les fondamentaux ne seront pas différents dans le cadre d’une Administration Biden," poursuit-il. "L’intensité de la concurrence stratégique n’aura pas diminué. Dans quelques années, nous pourrions aboutir à une relation économique bilatérale bien plus étroite, mais toujours importante."