Investissement à long terme
Après l’une des pires années obligataires jamais enregistrées en 2022, les investisseurs canadiens en titres à revenu fixe s’attendaient à un retour à la normale cette année. Cette attente a été largement satisfaite, puisque les obligations tiennent leurs promesses de stabilité, de revenu, de diversification et de résultats, bien que modestes, à mi-parcours de l’année 2023. Mais l’incertitude demeure en ce qui concerne les obligations, car les banques centrales continuent d’augmenter les taux d’intérêt, plutôt que de les réduire, afin de refroidir des économies que beaucoup s’attendaient à voir entrer en récession.
Une récession est-elle toujours probable? L’inflation reviendra-t-elle à son taux cible? La renaissance des obligations se poursuit-elle? Tim Ng et Tom Reithinger, gestionnaires de portefeuille du Fonds Capital Group revenu fixe essentiel plus canadienMC (Canada) répondent à ces questions plus bas.
« Oui », répond M. Ng. « Avec des rendements de départ tels qu’ils sont aujourd’hui, les obligations offrent plus de valeur qu’elles ne l’ont fait au cours des dix dernières années. »
Les investisseurs ont peut-être été surpris par le recul des résultats obligataires au deuxième trimestre, alors que la Banque du Canada (BdC) a relevé les taux d’intérêt à deux reprises, mais cela n’a fait que retarder et non dérailler la renaissance, selon M. Ng. En fait, les rendements à l’intérieur et à l’extérieur du Canada ont continué à augmenter au fil de l’année et se situent maintenant nettement au-dessus des niveaux les plus bas observés avant que les taux ne commencent à augmenter en mars 2022.
Rendements plus élevés
« Le fait que les banques centrales du Canada, des États-Unis et de l’Europe réduisent le rythme et l’ampleur des augmentations de taux d’intérêt — certaines d’entre elles étant sur le point d’achever leur cycle de hausse des taux — est positif pour les obligations », déclare M. Reithinger.
En outre, si les banquiers commencent à réduire les taux, les prix devraient augmenter, car les obligations du portefeuille d’un investisseur vaudront plus cher. Et si l’inverse se produit, les banques centrales font marche arrière et recommencent à augmenter agressivement leurs taux d’intérêt, les investisseurs peuvent se rassurer en sachant qu’ils ont investi dans des rendements beaucoup plus élevés qui leur donnent un revenu à terme ou un revenu de coupon, qui est supérieur à 8 % sur une obligation d’entreprise américaine à rendement élevé au 31 juillet 2023, d’après M. Reithinger.
« En cas de récession, les investisseurs pourraient également en bénéficier, car les obligations apporteront la stabilité et la diversification nécessaires par rapport aux actions », ajoute-t-il.
Conclusion? Selon M. Ng, il est plus important d’être en avance sur les marchés obligataires que d’être en retard, afin que les investisseurs puissent bénéficier de rendements plus élevés et d’une appréciation des prix.
« Il y a des signes évidents que l’économie canadienne ralentit et risque de ralentir encore, donc oui, une récession est toujours possible », déclare M. Ng, qui se réfère à la lecture du produit intérieur brut du mois de mai, qui s’est soldé par un faible 0,3 %. Cela suggère un taux de croissance annualisé de 1 % pour le deuxième trimestre, qui est inférieur aux estimations de la BdC.
D’autres signes de ralentissement de la croissance, selon M. Ng, sont contenus dans les enquêtes de la BdC qui interrogent les entreprises canadiennes sur leurs perspectives. Les enquêtes sont particulièrement instructives parce qu’il s’agit d’indicateurs avancés, et non pas retardés. L’enquête sur les perspectives des entreprises (EPE) menée par la BdC au deuxième trimestre démontre que la faiblesse de l’économie canadienne se manifeste sur plusieurs fronts. L’indicateur clé des perspectives de l’EPE, qui regroupe les attentes des entreprises du Canada pour les trois à six mois à venir, continue d’afficher une tendance à la baisse.
Encore une fois négatif
« Les résultats de toutes les catégories de questions, de régions et de secteurs contribuent désormais négativement à l’indicateur clé des perspectives de l’enquête », déclare M. Ng. Outre le fait qu’un plus grand nombre d’entreprises ont des perspectives d’embauche et d’investissement plus faibles, les entreprises sont également confrontées à un resserrement plus important des conditions de crédit.
D’autre part, les entreprises liées directement ou indirectement aux dépenses de consommation discrétionnaire pensent également que les taux d’intérêt élevés ont freiné les ventes de leurs produits et services et elles anticipent un nouvel affaiblissement. Plus particulièrement, les indicateurs de ventes futures, qu’il s’agisse des carnets de commandes ou des demandes de renseignements commerciaux, sont nettement inférieurs aux niveaux moyens historiques.
« Ces indicateurs clignotent en jaune, voire en rouge, mais en même temps, ils ne disent pas qu’une récession est certaine. Ils confirment simplement que le risque de récession est élevé », explique M. Ng.
Il convient de noter que les marchés de l’emploi continuent de faire preuve de vigueur, même si des signes de faiblesse commencent à apparaître. Le dernier rapport sur l’emploi de Statistique Canada démontre que l’économie canadienne a perdu 6 400 emplois en juillet, tandis que le taux de chômage est remonté à 5,5 %. L’économie a perdu des emplois au cours de deux des trois derniers mois.
Selon M. Reithinger, cela pourrait amener la BdC à faire une pause lors de sa prochaine réunion de politique monétaire, le 6 septembre, mais cela ne signifie pas que la campagne de resserrement des taux est terminée.
« Aucun banquier central ne veut rester dans les mémoires comme celui qui a laissé filer l’inflation. Nous pourrions donc assister à une nouvelle hausse des taux, qu’elle fasse basculer l’économie dans la récession ou non », ajoute-t-il.
« L’inflation est orientée dans la bonne direction et les pressions maximales sur les prix sont probablement derrière nous », déclare M. Ng.
Son optimisme s’explique par le fait que l’« ampleur » de l’inflation se réduit dans les indicateurs préférés de la BdC pour mesurer les variations de prix. Contrairement à l’indice global des prix à la consommation (IPC), qui suit les prix d’un panier complet de biens, les indicateurs préférés de la banque éliminent les éléments plus volatils tels que l’essence afin de donner à la BdC une image plus claire des pressions inflationnistes. L’un de ces indicateurs, l’IPC moyen ajusté, a atteint un sommet de 5,6 % en juin 2022 et se situe à 3,7 % en juin 2023, tandis que l’IPC médian, qui a atteint un sommet de 5,4 % en novembre 2022, est tombé à 3,9 % en juin 2023.
En baisse, mais jusqu’où?
« Nous pensons que cette tendance va se poursuivre et que l’inflation va continuer à se modérer », ajoute-t-il. Mais il y a un bémol. Selon lui, il y a des raisons de croire que, dans les jours à venir, le creux de l’inflation sera historiquement plus élevé qu’il ne l’était auparavant.
En raison des forces jumelles de la démondialisation et des énormes injections d’argent par les banquiers centraux pendant la pandémie et avant (la grande crise financière), M. Ng prévoit que l’inflation annuelle pourrait être plus élevée que les objectifs actuels des banquiers.
« Je pense que l’inflation annuelle sera supérieure à 2 % pendant un certain temps », déclare-t-il.
Cela pose une question intéressante à certains banquiers centraux qui sont tenus par leur mandat de maîtriser l’inflation. Bien que la BdC vise à maintenir l’inflation à 2 %, elle dispose d’une certaine marge de manœuvre au-dessus et au-dessous de cette valeur en raison de la fourchette cible de maîtrise de l’inflation qu’elle s’est fixée (de 1 % à 3 %). En revanche, la Réserve fédérale américaine ne dispose pas d’une telle « fourchette », mais d’un objectif strict de 2 %.
Cela signifie-t-il que la Fed continuera à relever ses taux si l’inflation reste bloquée au-dessus de 2 %, à par exemple 2,25 % ou 2,50 %?
« C’est la question à un million de dollars », dit M. Ng, « et c’est quelque chose que les investisseurs suivront de près. »
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